193ème jour – 8eme Partie
Une heure et demi plus tard, une fois le refuge endormi, je lançais le signal, sous la forme d’une fusée éclairante, à la troupe de Syanna située un peu plus loin. Quelques minutes après, la Horde se déchaîna. Quoi que faisaient les filles à cet instant, c’était terriblement bruyant et impressionnant. En un mot, c’était parfait pour faire diversion.
Tapi dans l’esprit d’un rongeur proche de l’entrée nord, j’attendis que la majorité des gardes en faction se dirigent vers l’entrée sud, ce qui ne tarda pas : en entendant le boucan, ces derniers choisirent d’aller prêter main forte à leurs collègues. Il ne restait plus qu’un seul garde, pas très rassuré d’ailleurs.
Ayant regagné mon corps, je fis signe à Erin et aux deux guerriers que nous pouvions entrer en action.
– A moi de jouer déclara la prêtresse. Tu es prêt Mod’?
– Oui, répondit laconiquement le guerrier.
Et Erinye sortit donc des fourrés où nous nous cachions, et s’approcha seule et à découvert du garde restant.
– Qu’est ce qu’elle fait ? me demanda silencieusement Torfarlak
– Ne pose pas de question et regarde ! Lui répondis-je.
Lorsqu’elle fut assez près et que le garde la vit, il se mis en posture défensive et l’interpella :
– H-Halte ! Qui va là ?
– Bonsoir, lui lança-t-elle le plus naturellement du monde. Belle nuit, n’est-ce pas ?
– Qui êtes vous ? Qu’est ce que vous voulez ? Ne bougez plus et répondez !
– Moi ? Rien, je me balade pacifiquement sous le clair de lune. Ce qui, en revanche, n’est probablement pas le cas du guerrier qui se trouve derrière vous.
Croyant qu’elle se moquait de lui, le garde se raidit et se fâcha :
– Vous me prenez pour un idiot ?! C’est une ruse minable ! En fait il n’y a personne derrière—
SHBLONK.
Il n’eut pas le temps de finir qu’il s’était fait assommer en bonne et due forme par Modig. Techniquement, ce garde avait eu à moitié raison. C’était bien une ruse. Pas simplement pas celle qu’il croyait. Erinye se tourna vers notre cachette, et nous lança à moi et Torf :
– Le spectacle est fini. Vous pouvez venir, la voie est dégagée.
– J’adore quand tu es théâtrale, lui répondis-je avec enthousiasme. C’était très distrayant. Et l’humain qui te donnait la réplique était à fond dans son rôle, ça fait plaisir.
– N’est-ce pas ? Il devrait être dans les pommes un bon moment.
– Allons-y, nous coupa Modig. La diversion des filles ne va pas durer très longtemps.
– C’est vrai, admis-je. Notre cible principale est dans une tente un peu à l’écart, près de l’entrée du tunnel vers le bassin d’Arathi.
Sans un mot, notre petit groupe se faufila dans le camp, jusqu’à la tente où devait se trouver le grand maréchal Oslight. Erin et les deux taurens pénétrèrent sous la tente sans faire de bruit, pendant que je surveillais de l’extérieur que personne ne vienne nous déranger.
J’entendis alors des bruits de pas très proches, et j’eu juste le temps de me cacher derrière une caisse de matériel, quand plusieurs personnes sortirent du tunnel. Ils étaient quatre ou cinq vu le nombre de pas.
– Cet assaut nocturne fut une bonne idée Sire Maxium, félicita une voix.
C’était le nain de tout à l’heure. Tassenain, Passenain… ou quelque chose comme ça.
– Je crains néanmoins que cette victoire ne soit que de courte durée lui répondis le chevalier de l’Alliance. Les éclaireurs ont signalé une activité militaire anormalement importante dans le camp de la horde, au nord-est des Hautes Terres. Je m’attend à— Une seconde, s’interrompit-il, vous n’entendez rien ?
Ils se turent. Il y avait un peu de bruit venant de la tente d’Oslight, et je craignais qu’ils ne le remarquent. Ils étaient suspicieux, et se tenaient à l’affût du moindre son. Heureusement, à cet instant, un cri déchira la nuit.
« POUR LA HORDE ! »
Ca, c’était la voix commune des filles.
– Par les Titans, s’écria le nain. On nous attaque !
– Maître Basnain, retournez tout de suite dans le tunnel, et allez chercher le plus de renforts possibles ! On ne sait pas combien ils sont ! ordonna le chevalier.
– Oui messire, j’y vais de suite !
Le nain disparut dans les profondeurs du tunnel.
– Les autres, avec moi ! En avant !
J’aperçu Maximus, mais aussi le sergent MacLear, l’homme prénomé Thomas, et un autre soldat en armures.
Il fallait donc renoncer à mon projet de capturer ces trois hauts gradés, car ce serait subitement beaucoup trop compliqué. J’attendis qu’ils soient tous suffisamment loin, puis je pénétrais sous la tente d’Oslight à mon tour pour voir comment les autres s’en sortaient.
J’y trouvais Oslight, assommé et avec une belle bosse sur la tête et quelques contusions au visage. Deux autres humains étaient dans le même état à ses côtés. Modig saignait abondamment du torse et du bras. Erinye le soignait. Torf était assis et semblait reprendre son souffle. Lorsqu’il me vit entrer, il tourna la tête vers moi.
– Prévenir qu’il n’y a pas un mais trois hommes sous la tente, ça fait pas aussi partie du boulot d’éclaireur ?
– Le nouveau marque un point, grogna Modig
Avant que je n’aie eu le temps de répondre quoi que ce soit, Erinye me défendit calmement.
– Arrêtez de râler tous les deux. Comment vouliez vous qu’il devine ça ? Une reconnaissance n’est jamais parfaite. Ce n’est pas la prescience des prophètes shamans.
Les deux taurens baissèrent la tête, visiblement un peu honteux. Sans cesser de soigner Modig, la prêtresse me demanda de décrire la situation à l’extérieur.
– Pas terrible pour tout dire. Une partie des officiers de la Ligue d’Arathor que j’espérais capturer a rejoint le front contre Syanna.
– On les prend en tenaille ? suggéra Torf
– Non, il vaut mieux trouver d’autres cibles isolées. Il y a encore un capitaine dans une tente un peu plus au sud de l’entrée du tunnel. On emmène le Grand Maréchal et ces deux là aussi, continuais-je en montrant les deux autres humains par terre. Ils doivent être au moins sergent pour dormir sous cette tente.
Nous sortîmes prudemment de la tente de commandement. Bien qu’il aie été soigné, Modig restait affaibli par ses blessures, c’est pourquoi il prit nos trois otages, et partit en direction de la sortie nord du refuge.
– A tout à l’heure, au point de rendez vous lui énonça doucement Erinye
Le Tauren se retourna, et lui fis un sourire tout en hochant la tête, puis repris sa route. Erin se tourna vers moi, et pointant la tente qui se trouvait à une quinzaine de mètres de nous, elle me demanda :
– C’est celle là ?
– Oui. Si je ne me trompe pas, c’est la tente du capitaine Nials. Au pire, il y reste sûrement un officier.
– Allons y alors. Qui passe le premier ? Moi ou—
– Couchez vous ! Nous ordonna Torfarlak
Devant l’autorité de son ton, nous nous allongeâmes dans les hautes herbes le plus vite possible. Juste à temps d’ailleurs : Basnain ressortit en trombe du tunnel, accompagné de plusieurs soldats.
– Vite ! Allez tous à l’entrée sud ! Espérons qu’il ne soit pas trop tard.
Les soldats obéirent à ses ordres, et coururent vers le sud, sauf un qu’il retint par le bras. Je reconnu l’un des trois jeunes soldats qui discutait autour du feu tout à l’heure.
– Elioth, mon garçon, va chercher ton père dans la tente, là bas, et insiste jusqu’à ce qu’il vienne ! On a besoin de son aide, alors pas question qu’il se défile cette fois !
– Oui messire, répondit Elioth.
Puis ils se séparèrent. Le nain rejoignit le groupe combattant les filles au sud, passant devant nous sans nous remarquer au passage. Je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter pour Syanna. Elles n’étaient que six, et leurs adversaires devaient être au moins le double, si ce n’est le triple à l’heure actuelle. Il nous restait très peu de temps. Trop peu probablement.
Le jeune soldat se dirigea quant à lui vers les tentes des aventuriers de passage, ce qui me fit tiquer, et me sortit de mes inquiétudes actuelles. Je ne pus m’empêcher de le suivre du regard.
– Joli réflexe Torf, le complimenta Erinye. Un peu plus, et ce nain nous serait tombé dessus.
– Merci. Je… j’aime pas les nains. Fut le seule réponse que le tauren trouva au compliment de la prêtresse.
– Personne n’aime les nains, ajoutais-je par réflexe, sans les regarder.
J’étais comme hypnotisé par le jeune soldat. Quelque chose ne cadrait pas. Il y avait… une incohérence. Je le sentais, mais n’arrivais pas à mettre la main dessus.
– Bon, la voie est dégagée. Si on veut y aller, c’est maintenant, déclara Eri. Luther, tu es prêt ?
Mais je n’avais pas bougé. Quelque chose, au plus profond de mon âme, s’était remis en marche. Un souvenir lointain tentait d’émerger. Qu’avait dis le nain au juste ? « Va chercher ton père ! ». C’était absurde : le jeune était orphelin. A moins qu’il n’ait menti ? Mais dans quel but ? Et les deux autres n’avaient pu mentir aussi… ça n’aurait aucun sens. « Va chercher ton père ! ». Pourquoi lui avoir dit ça ? Des mots familiers pourtant… « Va chercher ton père ! »… et une blague. Tout était parti d’une blague.
– Quelle blague ? demanda Torfarlak
J’avais du penser tout haut. Erinye et Torf échangeaient des regards, inquiets, et moi, je continuais à fixer le jeune humain. Oui, c’est ça. Tout était parti d’un quiproquo qui avais donné naissance à une blague. Une mauvaise blague… qui ne m’avait jamais fait rire… c’était…
Et là, le souvenir, pastel, me frappa de plein fouet. Il fallait que j’en aie le cœur net. Je me levais subitement, et couru aussi vite que possible vers le jeune soldat, dédaignant la prudence la plus élémentaire, me mettant complètement à découvert.