29ème jour
Il m’aura fallu du temps, mais cette fois, j’ai réussi. Mon Reflectombre Hyper-flash est opérationnel.
Qui aurait cru qu’il suffisait d’inverser la polarité des capteurs lumineux pour le faire fonctionner ? Ca aurait pourtant du me sauter aux yeux… Mais qu’importe. Ce n’est pas pour cela que j’écris ces lignes.
L’ingénierie. Tant de pouvoir à partir de tellement peu de choses… Quelques cailloux soigneusement cassés et mélangés, un bout de tissu pour emballer le tout, et hop ! On obtient des explosifs.
Aussi loin que je me rappelle, cela m’a toujours fasciné… même avant ma renaissance, je m’y intéressais déjà. Mon ancien père… il n’aimait pas cette science qu’il ne comprenait pas. La magie, ça ne le choquait pas. Qu’on transforme un humanoïde en mouton, c’était normal. Mais qu’en fixant des bouts de ferraille les uns aux autres on fasse un robot moissonneur gardien, ça, ça le dépassait.
Mais qu’importe. L’humain qu’il était ne m’intéressait plus désormais.
Mon père… Je n’y avais pas fait attention… mais c’est peut-être la première fois depuis ma renaissance que je pense à lui. Étrange. Il me faudra consigner ces souvenirs avec grande attention à l’avenir. Le passé pourra m’être utile. L’histoire est une arme comme une autre.
Quoi qu’il en soit, l’ingénierie m’a souvent apporté beaucoup de satisfaction… surtout au combat.
Ah… merveilleuses inventions… le jour le plus dur de ma non-vie a probablement été celui où je dus choisir entre le savoir des gobelins ou celui des gnomes… Je me suis toujours senti éthiquement plus proche des gobelins. Mais la technologie gnome m’intriguait davantage. La curiosité eut le dessus, et je choisi d’avoir accès aux schémas des gnomes. Choix que je n’ai jamais regretté. Si tant est que je sois encore capable d’éprouver des regrets bien entendu.
La passion des machines étranges, je n’étais pas le seul à l’avoir. Telynoar, une voleuse orc, camarade de guilde, semblait encore plus atteinte que moi. Nous avons vite sympathisé… et échangé quelques secrets, puisqu’elle était ingénieur d’obédience gobeline.
Je me rappelle du mois que nous avons passé tous les deux au Berceau-de-l’Hiver. Nous avions appris que des mages draconiens du vol Bleu détenaient les schémas permettant de concevoir… des dragons mécaniques en arcanite. Il ne nous en avait pas fallu d’avantage pour partir vers cette contrée gelée. L’arcanite est le métal le plus résistant d’Azeroth. Mais il est aussi très difficile à travailler à cause de ses fortes résonances magiques. La plupart des inventions faisant appel à ce métal sont donc très complexes, et très puissantes. Mettre la main sur les schémas technique d’une telle invention équivalait donc à trouver un fabuleux trésor.
Que des créatures aussi puissantes et magiques que des draconiens aient créé une telle machine m’étonne encore. Il était plus probable en y réfléchissant qu’ils n’étaient les gardiens d’un savoir jugé trop dangereux. Quoi qu’il en soit, ce schéma fut dur à obtenir.
Telynoar et moi avons bravé le froid, et nous sommes aventurés dans les cavernes de glaces de Mazthoril Nous avons combattu les draconiens qui se dressaient sur notre route, tout en progressant prudemment dans ces cavernes. Hélas, au cours d’une bataille, Telynoar tomba dans une crevasse de glace qui se referma juste après. Je n’avais rien pu faire. Elle était probablement morte écrasée et gelée. J’avançais désormais seul dans les cavernes de glace, massacrant les draconiens qui se trouvaient sur mon chemin, et me jurant d’obtenir les plans coûte que coûte, afin au moins que la mort de ma camarade n’aie pas été vaine… Et puis de toute façon, au point où j’en étais, autant aller jusqu’au bout.
Sans mes talents d’ingénieur, je ne sais pas si j’y serai parvenu aussi facilement. Toutes mes créations m’ont été très utiles à ce moment là : les leurres mécaniques, mon coq de combat, mon dragon en mithril, mes explosifs… Tour à tour ils ont sauvé ma carcasse, chacun à leur façon. Et finalement, lorsque je suis arrivé dans la dernière grotte, celle où devait se trouver les schémas selon mes informations, j’y ai trouvé une bonne surprise : Telynoar, assise, qui fumait tranquillement un de ces rouleaux de feuilles séchées qu’elle appelait “cigare”. Lorsqu’elle me vit, elle me fit l’un de ses plus beaux sourires, avec ses dents pointues et ses crocs d’orcs.
– Eh bah enfin. Ca fait trois plombes que je t’attends.
– C’est ce que je constate. Je te croyais morte pour être franc.
– Eh ouais, tu vois, je m’en suis tiré. Pas sans mal, mais qu’importe. Je suis trop silencieuse et trop douée pour ces balourds de Draconiens.
– Et chanceuse aussi.
– Nan, juste douée ! Tiens, attrape !
Elle me lança alors un parchemin. Je l’ouvris. Son contenu attisa ma curiosité. Je ne pus m’empêcher de sourire maléfiquement, songeant au potentiel dévastateur de l’invention dont j’étais en train de parcourir les plans.
– Les schémas du mini-dragon en arcanite. Hahaha. Bien joué. Je vais avoir une dette envers toi on dirait.
– Nan, t’inquiètes. On va juste sortir d’ici tous les deux. Si je te laisse tout seul, tu serais foutu de te faire croquer. Ces sales bêtes aiment bien avoir un os à ronger…
– Tch. Ne me sous-estime pas.
Nous quittâmes les cavernes des dragons bleus au pas de course. Les draconiens ont bien essayé de nous poursuivre pour reprendre les plans, mais nous étions plus rapide. Bon et puis on laissait trainer des grenades aussi pour les ralentir, mais c’est un détail.
En tout cas, nous étions tous les deux comblés : nous avions une nouvelle invention à construire… et personnellement, je comptais bien m’y atteler le plus vite possible !
Note : Pour l’heure, mon dragon en arcanite n’est toujours pas finalisé, à mon grand regret. Je réalise que la construction de cette machine va me demander beaucoup plus d’efforts et d’argent que prévu… et surtout, il va me falloir des quantités astronomiques d’arcanite. Mais je pense vraiment que le jeu en vaut la chandelle !
Extraits du Journal de Luther,
Prêtre des ombres, au service de la Dame Noire.