193ème jour – 2eme Partie
Le voyage fut calme, et je dois dire assez apaisant. Peu de vent, pas de pluie, donc en gros des conditions de vol idéales. Ce qui tombait bien, vu que nous avions une demi-journée de vol jusqu’à notre destination. Je profitais de ce moment pour réfléchir à la suite des évènements.
Malgré la blague faite à Torfarlak, la mission semblait étonnamment sérieuse : un raid était en préparation contre une des villes de l’Alliance. Mais avant de pouvoir l’attaquer, il allait falloir affaiblir ses défenses. Apparemment c’est sur ce point que Torfarlak et moi rentrions en jeu : nous allions faire de la désinformation, et faire croire à l’Alliance qu’un raid était bien en préparation, mais pour une toute autre cible afin de détourner leurs forces et faciliter la vraie attaque. Comment y arriver ? Là était la question… Car malheureusement, la lettre n’était pas beaucoup plus détaillée que ça. En fait, il n’y avait même AUCUN détail en plus.
On aurait pu y voir une mesure de sécurité, au cas où elle se serait faite intercepter, mais je connaissais trop Tely, et savait que c’était surtout parce qu’il y avait forcément des points foireux dans le plan de mission, et qu’elle avait voulu éviter de les aborder par écrit.
Cela dit, j’essayais de laisser mes doutes de côté, car au moins, cette mission marquait la fin de mon blâme à Kargath, et j’en étais ravi. Pour être honnête, je crois que j’aurais accepté à peu prêt n’importe quoi pour partir des terres ingrates. Même servir de cobaye à la société royale des apothicaires, dans leurs essais de nouvelles potions !
Quelques instants après, nous entrions sur les hautes terres d’Arathi. Torfarlak me fit un signe, me montrant du doigt un point au loin : l’avant poste du Trépas d’Orgrim était en vue. Ce lieu avait une histoire chargée. C’était ici que le précédent chef de guerre de la Horde, le héros orc Orgrim Doomhammer, était tombé au combat. Bien qu’il aie été celui qui a mené la Horde durant la deuxième guerre, Orgrim avait essayé de se détacher le plus possible de l’influence de Gul’Dan et de son malfaisant conseil des ombres.
Orgrim était fier des orcs, et de la Horde, là où Gul’Dan n’y voyait qu’un outil pour servir sa propre soif de pouvoir. A la fin, les clans menés par Gul’Dan firent une scission au sein même de la Horde. Mais ils furent vaincus par les clans restés sous les ordres de Doomhammer. La tête de Gul’Dan fut ramenée à Doomhammer sur un plateau, tel qu’il l’avait ordonné. Mais quand on sait à quoi à servi le crâne de Gul’Dan après cela, on ne peut que regretter ce geste symbolique.
Bref, tout ça pour dire qu’Orgrim Doomhammer inspire encore même aujourd’hui un respect phénoménal pour le peuple orc. Et l’avant poste battit sur le lieu de sa mort est pratiquement un lieu saint pour certains. Un lieu saint qui se trouve également être le seul bastion de la horde dans toute la zone, et donc un point stratégique d’une extrême importance.
Nos wyverns y atterrirent enfin. Nous avions volé toute la nuit, et c’était le matin. Malgré tout, il y avait déjà une grande activité, et Torf et moi n’eurent pas vraiment le temps de nous reposer. Les forgerons préparaient les armes, les guerriers s’entraînaient. Visiblement, le raid se préparait pour l’attaque. D’après la lettre de Telynoar, nous étions supposés rencontrer la personne en charge de l’opération sur place. Seul hic : je ne savais pas de qui il s’agissait. Heureusement pour moi, l’inverse n’était pas vrai.
« Luther ! Par ici ! » me cria une voix gutturale et féminine.
Je me retournai, levait les yeux vers le poste de commandement situé en hauteur, et y reconnu une camarade de guilde : Luminelle, qui me faisait des grands signes au cas où je ne la verrais pas au milieu de l’agitation générale.
– Lumi ? Mais qu’est ce que tu fais là ?
– A ton avis andouille ? Je dirige cette opération ! En voilà une question !
– Tu QUOI ?!
Luminelle soupira et descendit. Malgré son statut de mort-vivante, sa féminité était plutôt bien conservée. Alors qu’elle s’approchait de nous, à ma grande surprise Torf se baissa vers moi et me demanda discrètement :
– Qui c’est, Luther ?
Je l’examinais une seconde : Pas de tremblement, plus de bave, mais l’air méfiant. Visiblement, il s’était calmé pendant le trajet, et de deux choses l’unes : ou bien il avait compris que Tely et les autres s’étaient fichu de lui (sans pour autant me faire complètement confiance), ou alors il était juste sur la défensive à cause de toute l’activité aux alentours. Dans les deux cas, il semblait ne plus me considérer comme une menace immédiate pour sa vie, ce qui me convenait tout à fait.
– Elle s’appelle Luminelle. C’est une prêtresse, elle fait partie de la guilde. L’une des meilleure soigneuse que j’ai jamais croisé. Quand elle est dans les parages, il devient très dur de mourir.
– C’est une gentille donc ?
– On peut dire ça je crois. En comparaison de Céline en tout cas sûrement.
– C’est qui Céline ?
– Je t’expliquerais un autre jour. décidais-je
Il aurait tout le temps de faire connaissance avec le cauchemar des guérisseurs Bloodlust une autre fois. Luminelle était presque arrivée à notre niveau. Elle dévisagea le tauren, puis le salua.
– Ah, bonjour. Tu dois être Torfarlak ? puis elle se tourna vers moi et continua : « Telynoar m’a envoyé une lettre comme quoi vous alliez arriver. »
En disant cela, Lumi nous montra à tous deux un bout de papier à moitié froissé sur lequel était écrit :
« Le pêcheur grincheux et le bizu devraient arriver sous peu au trépas d’Orgrim. Prend soin de toi Lumi. Bisous, Tely ».
– Le bizu ? demanda Torf, suspicieux
– Le pêcheur grincheux ? ajoutais-je, irrité.
– Héhé. Bah, c’est Tely, elle aime bien les surnoms affectueux, tu le sais bien, coupa amicalement Lumi. Bon, suivez moi tous les deux, que je vous explique votre travail.
Nous montâmes rapidement dans le poste de commandement. La salle était déserte pour l’instant, ce qui ne veut pas dire qu’elle était rangée. C’était même plutôt l’inverse : Il y avait des plans des régions avoisinantes partout dans la salle, le sol était couvert de notes en tous genre. On sentait que ça réfléchissait stratégie très dur ici. Et au centre de la table, il y avait une carte des contreforts de Hautebrande. Et la ville humaine d’Austrivage était épinglée. Je soupirai, puis demandais à Lumi :
– Oh nan, laisse moi deviner, on va encore faire ce sempiternel affrontement « Austrivage contre les moulins de Tarren, le retour de la revanche » ?…
– Héhé. Oui et non. Cette fois ci, c’est un peu différent. L’affrontement habituel se fait surtout entre guildes de l’alliance et de la horde qui ont envie d’en découdre. Mais, comme tu peux le constater, c’est moi qui dirige l’opération cette fois, et pas un officier de la guilde.
– Oui, justement, à ce propos…
– Mes ordres viennent de plus haut Luther. C’est Dame Sylvanas qui a demandé à la Horde cette opération, et je suis là en tant que plus haute gradée de la Horde disponible dans ce secteur.
– Plus haute gradée ? Vous êtes quoi au juste madame ? intervint Torf, qui voulait participer à la discussion.
– Héhé. Torfarlak, je n’ai pas eu l’occasion de me présenter. Je suis Luminelle, Prêtresse réprouvée au service de la Dame Noire, et Seigneur de Guerre de la Horde. Ravie de te rencontrer.
– S-S-S-Sei-Seigneur de G-Guerre ?! parvint à articuler Torf, difficilement. Très difficilement.
Luminelle lui fit son plus beau sourire possible, vu l’état de son corps, et répondit très simplement « Oui. »
Torf était sous le choc. Activité cérébrale stoppée pendant quelques minutes. Bah, rien de très étonnant. Mais j’avais des questions, et ne pouvais attendre qu’il reconnecte son cerveau pour les poser.
– Donc, quelle est la mission Lumi ?
– Droit au but, comme d’habitude, hein Luther ? D’accord, je vais être directe aussi. Nous allons raser Austrivage. Pour de bon.