172eme jour
Il est dit que faire quelque chose la 1ère fois est difficile, mais que le refaire est toujours beaucoup plus simple. J’en mesure aujourd’hui la valeur, alors que je tends de nouveau les quarantes courbines au maître pêcheur de Baie du Butin.
– Et nous avons un nouveau vainqueur ! Il s’agit de Luther… à nouveau ! C’est fini pour aujourd’hui ! Rendez vous la semaine prochaine ! proclamma Riggle Perchâppat, le gobelin qui organisait le sanglant concours de pêche de Strangleronce.
Se tournant vers moi, il ajouta :
– Alors, si ma mémoire est bonne, vous avez déjà l’hameçon, n’est-ce pas ?
Sans attendre ma réponse, il me tendit l’autre récompense du concours : la canne à pêche forgée en arcanite, l’un des métaux les plus rares et les plus magiques d’Azeroth. Tout en prenant mon prix, je le remerciais.
– Vous allez voir, ça va vous changer la vie !
– Je suis mort. Le coupais-je
– Bon ben ça va vous changer la mort alors ! continua-t-il avec une assurance toute gobeline. Les rayonnements magiques de l’arcanite attirent et apaisent les poissons. C’est pratiquement comme si c’était eux qui vous suppliaient de les pêcher ! Hahahaha ! Bon allez bonne journée, et merci de ne plus revenir. Vous décourageriez les autres participants, et c’est mauvais pour les affaires.
La politesse et la patience des gobelins n’ont de limite que celle que leur dicte leur sens des affaires. Et j’étais subitement devenu un peu gênant. Mais peu m’importait. Il allait falloir me trouver un nouveau but… ce concours ne pourrait plus occuper mon esprit.
Il me faudrait un nouveau challenge, sinon je risquais de m’ennuyer. Et quand on s’ennuie, on fini par faire n’importe quoi pour ne plus s’ennuyer. Le problème est que dans le cas d’un mort vivant, ça consiste souvent à vouloir démembrer, éviscérer et faire exploser tout ce qui bouge, et c’était mauvais pour la réputation… sans parler des frais de nettoyage.
Dans mon cas, aucun problème cela dit car je savais exactement où j’allais le trouver mon challenge : Telynoar avait forcément un projet d’ingénierie en cours de route, il me suffisait d’y participer et le tour était joué. Ca ne serait ni la première, ni la dernière fois que Tely me servait de passe-temps entre deux vraies activités. Je me suis donc rendu là où j’avais le plus de chance de la débusquer : du côté des forges dans la capitale de la horde, Orgrimmar. Elle y trainait souvent pour bricoler, ou réparer le matériel qu’elle faisait exploser une fois qu’elle avait bien bricolé.
Malheureusement, trouver la voleuse ne fut pas aussi simple que je l’avais prévu…
– Telynoar ? Pas vu aujourd’hui grogna l’un des forgerons sur place
– Une idée d’où elle pourrait être ? demandais-je au hasard
– Eh, c’est pas MOI qui fait partie de sa guilde, l’mort vivant ! T’as qu’à tendre l’oreille, quand t’entendras une explosion, c’est qu’elle ne sera pas loin. HAHAHAHA !
Le conseil du forgeron, aussi désagréable fut-il, n’était pas dénué d’un certain bon sens. Si Tely n’était pas à la forge, c’est qu’elle devait être en train de tester directement une invention. Malheureusement, d’habitude, pour ça, elle va dans des coins reculés de Durotar. Non pas que ça lui plaise d’aller se cacher à l’autre bout de la région, mais disons que les grunts chargés de la sécurité de la capitale ne lui laissaient plus vraiment le choix depuis qu’elle avait accidentellement fait sauter l’hôtel des ventes, la banque, l’auberge et la moitié du pâté de maison environnant…
Du coup, ben maintenant elle se planque, et bien en plus, selon les critères des voleurs. La trouver n’allait pas être évident… tout seul, c’était même foutu d’avance, mais avec l’aide d’un chasseur, ça pourrait être jouable. Il y avait toujours quelques mercenaires pour ce genre de boulot en échange de quelques pièces d’or. Du moins c’était ce que je croyais jusqu’à ce que le maître de classe des chasseurs me réponde :
– Désolé prêtre, pas de chasseur à louer pour l’instant.
– Quoi ? Pas un seul ? Dans tout Orgrimmar ?
– Beh non, depuis qu’un couillon a lancé la rumeur qu’il était possible d’apprivoiser les monstres géants d’Un’Goro, tous les chasseurs y sont partis ! C’est l’effet de mode ça. Tout le monde en voudra un, et puis dans trois semaines, ils reviendront aux seuls vrais compagnons qui compte : le cochon-dinde de combat, le lamantin-vampire, et le poulet-lunaire ! Tu verras p’tit gars…
Coupant le maître chasseur dans son envolée lyrique, j’essayais de recadrer la conversation qui en avait grand besoin.
– Mais… et l’approvisionnement en nourriture d’Orgrimmar, tout ça ? Y’a PERSONNE qui s’en occupe ? Il doit bien y avoir au moins UN chasseur qui traîne, non ? A part vous…
– Bah on a des réserves pour quelques semaines là, et les gobelins en profitent pour vendre ce qui manque, donc on s’en sort au final. D’ailleurs chuis sûr c’est un gobelin qui a lancé la rumeur à la base ! Du coup, les créatures de Durotar en profitent : sangliers, scorpions, et mêmes les centaures sont à la fête vu que plus personne ne les emmerde ! Le bon côté, c’est que quand mes gars reviendront, ça va être une vraie boucherie vu la quantité de trucs à dézinguer ! Hahaha !
– Mais donc là…
– Ben là… pas de chasseur.
– Vraiment pas ?
– Vraiment pas.
Laissant le maître de classe à ses réflexions personnelles, je m’éloignais pour réfléchir à la suite des opérations. Affronter tout seul la faune apparemment nombreuse et survitaminée de Durotar ne me tentais pas vraiment. Je n’aime pas me battre de toute façon, c’est trop salissant dans l’ensemble. Aussi je décidai d’attendre simplement que Telynoar revienne d’elle même.
Autant faire une petite pause pêche : je m’assis sur un rocher dans la vallée des esprits et sortit ma canne à pêche flambant neuve du matin. C’est vrai qu’elle dégageait une aura magique, je pouvais ressentir les vibrations dans chaque os de mon corps. Et ça fait beaucoup d’os ! Il paraissait qu’un vieux poisson ou croco-machin-bidule se trouvait dans les eaux de la vallée, narguant impunément les pêcheurs depuis plusieurs années.
On allait voir qui allait l’emporter : la ruse du poisson-salopard, ou l’astuce d’un pêcheur expérimenté et sa canne à pêche magique ?
Une heure plus tard, force m’était de reconnaître que la canne était très efficace : j’avais pêché plus d’une trentaine de batraciens et poissons de seconde zone. Malheureusement, le seul poisson que je voulais était bel et bien un salopard, car je ne l’avais toujours pas aperçu. Existait-il simplement ? Et Telynoar qui ne revenait toujours pas… D’ordinaire, je suis patient, mais aujourd’hui était une exception, et le concours du matin m’avait déjà largement rassasié niveau pêche. L’ennui me guettais… L’envie de faire exploser chaque poisson pêché me gagnait petit à petit. Je commençais donc à râler intérieurement, chassant ces pensées, quand une voix familière m’appela depuis les rives du bassin.
– Maître Luther ! Comment vas-tu ? me cria un tauren aussi amical que poilu.
Je me retournais, pour voir Amildur, ainsi que Myrdinn, respectivement officier-druide et mage-en-chef de la guilde Bloodlust, dont, rappelons le, je fais techniquement partie. Tous deux me regardaient depuis l’autre bout du bassin.
– Ca va maître Ami, mais ne crie pas comme ça, s’il te plaît ! Ca fait peur au poisson. Répondis-je désagréablement.
Amildur allait pour s’excuser poliment quand Myrdinn pris la parole, vraisemblablement encore moins patient que moi à cet instant.
– On s’en fiche des poissons, ça sert à rien pour l’instant. me lança abruptement Myrdinn, choquant mon petit cœur moisi au passage. La guilde monte une expédition sur les ruines d’Anh’Qiraj ! Ce coup ci, tu n’y couperas pas, TU VIENS !
– Mais, on a pas déjà nettoyé ces ruines le mois dernier ? répliquais-je
– Pas assez bien faut croire, c’est de nouveau infesté de Silithides. répondit le druide avant que le mage n’ai pu ouvrir la bouche. Du coup, ben on y retourne !
Une chose était très claire pour moi : je ne voulais pas remettre les pieds là bas. Trop de sable, trop d’insectes géant, trop de mucus acide, bref trop de trucs pénibles et dangereux même pour un mort-vivant. En plus pour quel gain ? Tout ce qu’on pourrait récupérer comme équipement allait être joué aux dés, et à part faire rire la guilde avec mes scores minables, je repartirai sans doute les mains vides. Myrdinn avait l’air décidé à m’emmener, il me fallait donc une échappatoire.
– Euh… je… peux pas. Je me suis cassé les deux jambes hier. Triple fracture ouverte. Je rampe actuellement, ça me ralentit beaucoup.
– Pas grave, on mettra un bandage et ça tiendra le coup, Luminelle fait ça chaque semaine répondit Myrdinn, cassant comme du verre.
– Euh… ouais, mais à côté, de ça je dois voir Syanna pour lui donner ses cours de lecture. C’est important ça, la lecture, non ?
– Très important ! Mais ça tombe bien : tu pourras le faire sur place, vu qu’elle vient avec nous ! continua-t-il en souriant
Myrdinn était coriace, et sûr de réussir à me faire venir. C’était le chef, je ne pouvais pas lui dire non sans en subir les conséquences : ça serait vu comme une désertion. Aussi, même si je répugnais à cela, il ne me restait que le plan C.
– Je… je viens de me souvenir que ce soir j’ai piscine ! tentais-je
Le mage se figea. Le druide blêmit et s’écarta de lui.
– Tu as… piscine ?… demanda Myrdinn en me fixant méchamment de ses orbites vides.
– Ehh… oui, je sais, ça tombe plutôt mal. Sinon, tu penses bien que si j’avais su avant qu’il y avait raid, je serai venu avec joie… ajoutais-je avec toute ma mauvaise foi la plus crasse
Oui, décréter qu’on avait piscine était mal vu, mais ça faisait partie des rares excuses contre lesquelles on ne pouvait rien, même si on était chef de guilde. La piscine était un rituel purificateur très important chez toutes les races, et vital chez les morts-vivants en particulier : c’était le seul moyen de débarrasser le corps de la myriade d’insectes bouffeurs de chair morte qui s’y était installé. Sans ça, on pouvait tomber en morceau à tout instant, et en plein milieu d’un raid ça aurait fait désordre. Malheureusement… disons que l’hygiène n’était pas vraiment le point fort des races de la Horde, aussi il n’y avait qu’une seule piscine dans tout Orgrimmar, et les réservations se faisaient plusieurs semaines à l’avance.
– Tu as piscine. Répéta-t-il lentement. Très bien. Eh bien, bonne « piscine » alors marmonna-t-il furieux. Si jamais tu changes d’avis, tu sais où nous trouver…
– Encore désolé chef ajoutais-je aussi docilement que je pus.
Le mage s’éloigna en maugréant. Avant de le suivre, Amildur me lança amicalement, sans que Myrdinn ne puisse l’entendre :
– J’espère que, d’une façon ou d’une autre, t’as vraiment piscine… sinon… ben prends quelques vacances à mon avis.
Amildur était anormalement tendu, mais le conseil était bon. Il allait falloir que je quitte la ville pendant quelques temps… finalement, partir à la recherche de Telynoar dans Durotar serait moins risqué que de me faire griller par Myrdinn. Au sens propre.
Restait quand même le problème principal : Durotar était immense. Comment retrouver Tely ?… Après tout, c’est pas comme si je disposais d’un appareil, ou d’une carte magique, qui m’indiquait sa position dans le monde en temps réel ! (Note pour plus tard : ça pourrait être un bon axe de recherche)
En revanche… Une idée me traversa l’esprit : si je ne disposais pas d’un moyen directe de retrouver Tely, j’avais néanmoins une méthode pour fouiller la zone assez rapidement.
Scrutant le ciel des yeux, j’espérais y voir une ou plusieurs créatures volantes. Aigle, harpie, vautour, serpent ailé, peu m’importait tant qu’elle pouvait voler haut. Au bout de quelques minutes, je trouvai mon bonheur avec un rapace. Je ne savais pas quelle espèce c’était et je m’en fichais. Fermant les yeux, je transférais une partie de mon esprit au volatile afin de pouvoir voir à travers lui. Durotar et ses canyons étaient impressionnants à cette altitude… des canyons découpés, une faune anormalement grouillante pour la saison, quelques palmiers à droite à gauche, et au cœur de la région se trouvait Orgrimmar. Bien que le pays soit aride et inhospitalier, il fallait reconnaître qu’ainsi nichée dans les montagnes naturelles, la capitale de la Horde était une place forte très difficile à prendre d’assaut.
Une fumée aperçue du coin de l’œil me tira hors de mes réflexions stratégiques. Elle ne ressemblait pas à un feu de camp ou un quelconque bûcher. Ce n’était pas non plus un simple nuage de poussière naturelle vu sa forme.
Ca pouvait être une explosion. Ca valait le coup de tenter… Je mis fin à mon sort, et me dirigeai à cheval vers la zone que j’avais repéré.
Mon cheval… mort-vivant lui aussi. C’était un destrier de guerre à ce qu’on m’avait dit. Je ne parvenais pas à le voir comme autre chose qu’une victime de la peste morte-vivante, tout comme moi. J’avais besoin d’une monture, et ce cheval mort-vivant m’avait accepté sans discuter là où les loups, raptor et kodos et autres bestioles me rejetaient systématiquement. Je n’étais pas doué pour la monte de base, et encore moins pour la monte de vivants. Malgré tout, j’avais fait une promesse à ma monture : lui offrir le repos éternel dès lors que je trouverai une alternative à ses services. Que ce soit par sa nature de mort-vivant ou parce qu’elle avait compris ma promesse, reste que cette monture avait toujours été d’une fidélité sans faille et m’avait tiré de plusieurs situations périlleuses.
Arrivant finalement sur le lieu de ce que je supposais être une explosion, je fus un peu déçu. S’en était bien une, mais pas provoquée par Telynoar, non. Il s’agissait des centaures qui vivaient au sud de Durotar. C’était eux qui testaient des nouveaux sorts de combats, sans doute dans l’espoir de détruire le village troll qui se trouvait à proximité. C’était une espèce d’obsession chez eux depuis plusieurs années, personne a jamais compris pourquoi. Au final, ils échouent toujours, mais ils continuent d’essayer. Ils sont tenaces, je leur reconnais ça.
Prenant grand soin de ne pas me faire voir, je commençais à faire demi-tour, quand je me rendis compte qu’il était trop tard : j’étais déjà encerclé par une douzaines de centaures.
– Attrapez-le ! Hurla l’un d’entre eux. Il ne doit pas avertir les siens de notre plan !
Je pestais intérieurement contre la situation. Ils avaient des mages de combat, des lances et des filets. Il était trop tard pour la discrétion, si je voulais m’en sortir, il allait falloir y aller à fond. Je fis claquer les rênes de ma monture et parvint à sortir du cercle formé par les centaures. Ces derniers se lancèrent à ma poursuite.
Ma monture était, par nature, infatigable, mais les centaures étaient rapides et connaissaient mieux la région que moi. Ils allaient vite me rattraper… il fallait un plan, un vrai, pour me sortir de ce merdier. Fouillant dans ma besace, je dégoupillais et lâchais quelques bombes « faites-maison » derrière moi. L’un des centaures en pris une de plein fouet et fut stoppé net dans sa course, mais les autres les évitèrent. Au moins, ils gardaient maintenant une distance de sécurité, c’était déjà ça. Réfléchissons. Un poste de la Horde se trouvait à proximité, si je pouvais l’atteindre, je serais sauvé, les centaures n’oseraient pas attaquer comme ça, pas à une dizaine seulement.
Soudain, plusieurs flèches se plantèrent dans le sol à quelques mètres de moi. Ma monture fit une embardée de côté avant de reprendre son chemin tandis que j’essayais de comprendre qui me tirait dessus.
Les centaures me poursuivaient toujours… est-ce qu’il y en avait d’autres cachés derrière des rochers ? La zone était propice à ce genre de chose.
Ou peut-être essayait-on juste de me faire peur et de me détourner du camp de la Horde ?
Un doute survint : étais-je en train de me précipiter dans un piège ou pas ? J’espérais que non… J’étais partagé entre l’envie de continuer et celle de changer de direction, mais pour aller où ? A part le camp de la Horde, rien ne pouvait me sauver…
Je fus tiré de mes inquiétudes par une explosion terrifiante qui se produisit derrière moi. J’eu à peine le temps de tourner le tête pour comprendre que j’étais déjà déstabilisé par le souffle et de tomber de ma monture. Me relevant, paniqué, prêt à combattre, je fus surpris de constater que les centaures étaient en fuite. Je ne comprenais plus rien. Qu’est ce qu’il venait de se passer au juste ?
– Et une fois de plus, c’est moi qui sauve tes os pourris…
Je reconnaîtrais cette voix entre mille. Une voix légèrement rauque, légèrement aigüe, qui ne doutait jamais de rien et surtout pas d’elle-même. Si j’avais pu sourire sans me décrocher la mâchoire, je l’aurais fait.
– Tely !
Le cri était sorti de ma bouche avant que je m’en rende compte. Telynoar, je l’avais enfin trouvée. Le puzzle s’assemblait lentement dans ma tête.
– L’explosion là, c’était toi ?
– Ouaip confirma la voleuse. T’es sur mon terrain d’entraînement là. Enfin, mon « champ de mine » pour être plus précis. T’as failli sauter sur une d’ailleurs.
Je comprenais mieux les flèches maintenant. C’était en fait Tely qui les avait envoyées pour me détourner de ma trajectoire. Si j’avais continué, c’est moi qui aurais explosé.
– Alors, t’en penses quoi ? me demanda-t-elle en souriant de tous ses crocs
Je regardais le cratère. Environ 8 mètres de large, plus les restes de centaure qui traînaient.
– Puissant. « Renversant » même. C’est sur ça que tu travailles en ce moment ?
Mais la voleuse, un peu gênée, fit non de la tête.
– Hem, non. Là, je travaille sur un système de téléporteur à balise mobile. Ca te désintègre à un endroit et te réintègre à un autre endroit proche. Mais en facile à déployer, pour être utilisable en combat. Je me suis inspiré du prototype des gobelins qui se trouve à Long-guet, au Berceau de l’Hiver.
– Ah ? Pourquoi le champ de mine alors ?
– A la base c’est pas vraiment un champ de mine. C’est mes prototypes ratés. Une fois enclenchés ils explosent au moindre choc, et c’est pareil si on essaie de les activer. Je les recycle en mine parce qu’ils sont super bourrins.
Les joies de l’ingénierie gobeline. Quoi que vous essayez de fabriquer, de la fourchette mécanique au zeppelin en passant par les mortiers, si vous êtes un ingénieur gobelin, vous avez une garanti : quand ça explosera, ça explosera fort !
– Du coup, tu veux un peu d’aide ? demandais-je innocemment
– Mmmm… pourquoi pas. Mais pas ici, il y a trop de centaures.
Nous avons pris le chemin de l’avant poste de la Horde. Une fois à l’auberge, tely m’expliqua plus en détail son idée. Le projet en lui-même était intéressant, et ferait un bon challenge. Sans compter que si on y arrivait, ça pourrait offrir un véritable avantage à la guilde, voire à la Horde même ! Pour une peu, je tenais un vrai ticket de sortie pour éviter d’aller en raid.
Puis elle me montra ses notes techniques. Les schémas de Telynoar étaient dignes d’un gobelin : bordéliques à souhait. Ca tenait plus d’une note d’intention que d’un schéma fonctionnel. Au bout de quelques heures, je l’aidais à corriger les grandes lignes, au moins pour stabiliser l’appareil… Mais le concept de stabilité n’est pas vraiment rentré dans les mœurs des ingénieurs gobelins.
– Stable ? C’est quoi l’intérêt ? J’veux qu’il téléporte moi, pas qu’il soit stable ! On s’en fiche si il penche un peu à droite ou à gauche.
– Nan, par « stable », je veux dire « ça explose plus quand on appuie sur le bouton ». Et si ça explose plus, peut-être que la téléportation fonctionnera un peu mieux, non ? insistais-je.
– Ca… peut avoir une incidence en effet. Répondit-elle, envisageant mon argument. Mais… euh… on ne risque pas de se transformer en poulet ou ce genre de trucs ?
– C’est un risque c’est vrai. Mais il est minime. Et puis ça reste préférable à la désintégration.
Bon, pour être honnête, la stabilité ce n’est pas rentré non plus dans la mentalité des ingénieurs gnomes. Mais on a une vision différente de la chose.
– Je sais pas… la désintégration, ça a quelque chose de beau par sa simplicité… Genre, ta balise de rappel pour Gadgetzan, elle fonctionne comment ?
– Hmmm… Y’a plusieurs composants élémentaires pour les réfractions d’énergie et un alterateur de vrai-argent comme catalyseur de mémoire. Après, ça téléporte le corps partie par partie jusqu’à la balise d’arrivée. Enfin, en principe quoi.
– Voilà. C’est ce que je veux dire. C’est compliqué, ça se fait par morceaux : nous, c’est plus sobre, plus efficace. La balise de rappel déchire l’espace au moyen d’un gros explosif, on est aspiré, et on arrive à la balise d’arrivée d’un seul coup.
– Oui, mais souvent, c’est un tas de cendre qu’il y a à l’arrivée…
– C’est vrai. Mais ça reste simple !
La discussion était bloquée par nos « religions » d’ingénierie respectives… Nous avons donc repris depuis le début.
– Bon, le vrai soucis, c’est la balise d’arrivée : elle explose dès qu’elle reçoit l’info de la balise de rappel. Résumais-je.
– Je sais, m’a répondu Tely. Dès que la déchirure dimensionnelle commence, la balise d’arrivée surcharge, et boum !
– Du coup, on a deux options : ou bien on trouve un matériau qui arrive à supporter la déchirure… Ou bien…
– Ou bien ? C’est quoi l’autre option ?
– On se lance dans le commerce des mines anti-personnelles à forte déflagration télécommandées.
C’était un marché juteux. On s’exposait à la concurrence des cartels gobelins, mais vu la puissance de notre modèle, il y avait moyen qu’on se fasse une bonne clientèle… Cela valait le coup qu’on le considère.
– A garder en plan B. Sinon, j’ai peut-être une idée : l’obsidienne d’Ahn Qiraj !
– De… quoi ? demandais-je subitement inquiet en entendant la mention « Ahn Qiraj » faire surface
– L’obsidienne d’Ahn Qiraj, insista Tely. On sait pas encore pourquoi, mais elle est exceptionnellement résistante à la magie et aux décharges élémentaires. Si on fabriquait un cœur d’obsidienne pour la balise d’arrivée, au lieu du cœur de vrai-argent actuel, elle devrait tenir le coup et ne pas exploser…
Ca pouvait marcher en effet. Mais considérant qu’il s’agit d’ingénierie gobeline, je me sentis obligé d’ajouter :
– … Ou alors en explosant elle rayera la moitié de la région.
Tely considéra la chose.
– Du coup, si ça marche pas, à défaut d’avoir un téléporteur, on devrait réussir à créer un nouvel explosif qui nous fera entrer dans l’histoire. Ca me paraît un bon plan.
Les yeux de la voleuse étaient remplis d’étoiles, au point que j’en vins à me demander si ça n’était pas son véritable objectif inconscient… après tout, elle avait toujours aimé les explosifs.
– Bon, ben du coup je vais aller voir à l’hôtel des ventes si je peux trouver de l’obsidienne… déclarais-je
– Attend, m’arrêta Tely, y’a plus simple. La guilde fait un raid ce soir aux ruines, sur demande express des shamans, on fera d’une pierre deux coups !
Mauvaise idée.
– C’est-à-dire que je suis censé avoir piscine ce soir… Myrdinn et Amildur m’en ont déjà parlé.
Tely parût intriguée.
– Comment t’as réussi ça ? Je croyais Myrdinn avait tout réservé depuis deux jours ?
Si j’avais pu blêmir, cette révélation m’aurait rendu blanc comme un linge. Pas de bol, étant mort, je restais gris… Je sentais venir les emmerdes.
– De… quoi ?… demandais-je inquiet
– Bah quand Okary a dit qu’il fallait absolument faire un raid aux Ruines, rapport à la désinfestation qui avait foiré, que c’était pas bon pour l’image de le guilde, tout ça Myrdinn lui a dit qu’on était plus à ça prêt, mais qu’on ferait quand même un bis dans une semaine pour la forme, mais que là pour une fois de se faire un weekend détente. Le ton est monté, et finalement Okary a eu gain de cause, même si personne a compris comment il a fait. Myrdinn était pas content.
– Euh… tu sais s’il a annulé sa réservation ?… demandais-je faiblement
– Ah, il a clairement dit hier qu’il la gardait au cas où le raid parte pas. Du coup, à mon avis, la piscine va être vide ce soir. Enfin, sauf avec toi du coup. Termina la voleuse, un brin suspicieuse.
Ok. Donc non seulement j’avais utilisé une excuse pour ne pas aller en raid, mais en plus elle avait été éventé dès la première seconde. Je comprend mieux pourquoi Amidur avait frémi… Que faire ?… Ne pas aller en raid et le payer plus tard, ou aller en raid et passer un très mauvais moment ?… S’il y a bien une chose que j’ai appris dans ma non-vie, c’est que la vengeance est un plat qui se mange froid, et que les morts-vivants affectionnent même glacés.
Donc si je veux avoir une chance de m’en tirer, il ne faut même pas que je laisse le plat tiédir. Traduction : en avant Ahn’Qiraj…
Tely et moi rejoignirent donc le raid à la dernière minute…
– Salut les gars ! hurla Tely au groupe quand nous arrivâmes
– Salut Tely, lui répondit Myrdinn. On ne t’attendait plus vraiment… Luther non plus d’ailleurs, continua-t-il en me fusillant du regard. Tu vas pas à la piscine finalement ?
– Euh… je… il se trouve que… la piscine… finalement… les insectes… esprit de guilde… entraide… tout çaaaa… baragouinais-je
– Mouais. Tu tombes bien cela dit, on manque de soigneurs ! déclara-t-il avec un grand sourire carnassier
– Mais je suis un prêtre ombre chef ! répondis-je paniqué. Les gens sont encore plus malades après qu’avant quand je les soigne !
Je cherchais du regard de l’aide auprès du reste du raid… Amildur avait remarqué à l’instant même qu’une touffe d’herbe méritait son intérêt. Okary expliquait aux autres shamans les vertus des totems anti-poison. Telynoar fouillait dans son sac à la recherche d’un bidule dont elle avait besoin là tout de suite maintenant, Syanna s’entraînait à son grognement d’ours afin de ne surtout pas entendre ma voix. Et Luminelle méditait paisiblement…
Il fallait me rendre à l’évidence. J’étais seul. Face au mage le plus impitoyable de la guilde. Et il m’en voulait.
– Eh bah tu feras un effort pour une fois, histoire qu’ils soient à peu prêt en état alors.
– Je…
– Tu vas faire de ton mieux, t’en fais pas. S’approchant, il me dit à voix basse : Oh, au fait, je sais que c’était du pipeau ton excuse, mais t’en fais pas, je suis pas rancunier.
– Non ? demandais-je avec une lueur d’espoir.
– Non. C’est Céline qui dirige les soigneurs ce soir.
Il m’en voulait donc beaucoup, et je compris que tel était mon châtiment. Subir Céline une soirée. J’en vins à me demander s’il n’était pas préférable d’utiliser la technique de Drio : foncer sur les Silithides en implorant leur pitié. Rassemblant le peu de courage qu’il me restait, je parvins néanmoins à répondre au chef :
– Oui chef…
… bon, d’accord, c’était nul comme réponse, mais j’étais à court de courage à ce moment là de toute façon.
Nous partîmes donc dans les ruines d’Ahn Qiraj, et je savais que Céline me hurlerait dessus à chaque seconde pour les nombreuses erreurs liées à mon inexpérience et incompétence en tant que soigneur… Ca allait être pénible…
Peut-être j’aurais mieux fait de m’ennuyer, quitte à trucider des civils et finir avec un avis de recherche, au lieu de vouloir à tout prix m’occuper l’esprit en fait… Parfois, le jeu n’en vaut pas la chandelle.
– Extraits du Journal de Luther, prêtre des ombres, au service de la Dame Noire.
172eme jour
Il est dit que faire quelque chose la 1ère fois est difficile, mais que le refaire est toujours beaucoup plus simple. J’en mesure aujourd’hui la valeur, alors que je tends de nouveau les quarantes courbines au maître pêcheur de Baie du Butin.
– Et nous avons un nouveau vainqueur ! Il s’agit de Luther… à nouveau ! C’est fini pour aujourd’hui ! Rendez vous la semaine prochaine ! proclamma Riggle Perchâppat, le gobelin qui organisait le sanglant concours de pêche de Strangleronce.
Se tournant vers moi, il ajouta :
– Alors, si ma mémoire est bonne, vous avez déjà l’hameçon, n’est-ce pas ?
Sans attendre ma réponse, il me tendit l’autre récompense du concours : la canne à pêche forgée en arcanite, l’un des métaux les plus rares et les plus magiques d’Azeroth. Tout en prenant mon prix, je le remerciais.
– Vous allez voir, ça va vous changer la vie !
– Je suis mort. Le coupais-je
– Bon ben ça va vous changer la mort alors ! continua-t-il avec une assurance toute gobeline. Les rayonnements magiques de l’arcanite attirent et apaisent les poissons. C’est pratiquement comme si c’était eux qui vous suppliaient de les pêcher ! Hahahaha ! Bon allez bonne journée, et merci de ne plus revenir. Vous décourageriez les autres participants, et c’est mauvais pour les affaires.
La politesse et la patience des gobelins n’ont de limite que celle que leur dicte leur sens des affaires. Et j’étais subitement devenu un peu gênant. Mais peu m’importait. Il allait falloir me trouver un nouveau but… ce concours ne pourrait plus occuper mon esprit.
Il me faudrait un nouveau challenge, sinon je risquais de m’ennuyer. Et quand on s’ennuie, on fini par faire n’importe quoi pour ne plus s’ennuyer. Le problème est que dans le cas d’un mort vivant, ça consiste souvent à vouloir démembrer, éviscérer et faire exploser tout ce qui bouge, et c’était mauvais pour la réputation… sans parler des frais de nettoyage.
Dans mon cas, aucun problème cela dit car je savais exactement où j’allais le trouver mon challenge : Telynoar avait forcément un projet d’ingénierie en cours de route, il me suffisait d’y participer et le tour était joué. Ca ne serait ni la première, ni la dernière fois que Tely me servait de passe-temps entre deux vraies activités. Je me suis donc rendu là où j’avais le plus de chance de la débusquer : du côté des forges dans la capitale de la horde, Orgrimmar. Elle y trainait souvent pour bricoler, ou réparer le matériel qu’elle faisait exploser une fois qu’elle avait bien bricolé.
Malheureusement, trouver la voleuse ne fut pas aussi simple que je l’avais prévu…
– Telynoar ? Pas vu aujourd’hui grogna l’un des forgerons sur place
– Une idée d’où elle pourrait être ? demandais-je au hasard
– Eh, c’est pas MOI qui fait partie de sa guilde, l’mort vivant ! T’as qu’à tendre l’oreille, quand t’entendras une explosion, c’est qu’elle ne sera pas loin. HAHAHAHA !
Le conseil du forgeron, aussi désagréable fut-il, n’était pas dénué d’un certain bon sens. Si Tely n’était pas à la forge, c’est qu’elle devait être en train de tester directement une invention. Malheureusement, d’habitude, pour ça, elle va dans des coins reculés de Durotar. Non pas que ça lui plaise d’aller se cacher à l’autre bout de la région, mais disons que les grunts chargés de la sécurité de la capitale ne lui laissaient plus vraiment le choix depuis qu’elle avait accidentellement fait sauter l’hôtel des ventes, la banque, l’auberge et la moitié du pâté de maison environnant…
Du coup, ben maintenant elle se planque, et bien en plus, selon les critères des voleurs. La trouver n’allait pas être évident… tout seul, c’était même foutu d’avance, mais avec l’aide d’un chasseur, ça pourrait être jouable. Il y avait toujours quelques mercenaires pour ce genre de boulot en échange de quelques pièces d’or. Du moins c’était ce que je croyais jusqu’à ce que le maître de classe des chasseurs me réponde :
– Désolé prêtre, pas de chasseur à louer pour l’instant.
– Quoi ? Pas un seul ? Dans tout Orgrimmar ?
– Beh non, depuis qu’un couillon a lancé la rumeur qu’il était possible d’apprivoiser les monstres géants d’Un’Goro, tous les chasseurs y sont partis ! C’est l’effet de mode ça. Tout le monde en voudra un, et puis dans trois semaines, ils reviendront aux seuls vrais compagnons qui compte : le cochon-dinde de combat, le lamantin-vampire, et le poulet-lunaire ! Tu verras p’tit gars…
Coupant le maître chasseur dans son envolée lyrique, j’essayais de recadrer la conversation qui en avait grand besoin.
– Mais… et l’approvisionnement en nourriture d’Orgrimmar, tout ça ? Y’a PERSONNE qui s’en occupe ? Il doit bien y avoir au moins UN chasseur qui traîne, non ? A part vous…
– Bah on a des réserves pour quelques semaines là, et les gobelins en profitent pour vendre ce qui manque, donc on s’en sort au final. D’ailleurs chuis sûr c’est un gobelin qui a lancé la rumeur à la base ! Du coup, les créatures de Durotar en profitent : sangliers, scorpions, et mêmes les centaures sont à la fête vu que plus personne ne les emmerde ! Le bon côté, c’est que quand mes gars reviendront, ça va être une vraie boucherie vu la quantité de trucs à dézinguer ! Hahaha !
– Mais donc là…
– Ben là… pas de chasseur.
– Vraiment pas ?
– Vraiment pas.
Laissant le maître de classe à ses réflexions personnelles, je m’éloignais pour réfléchir à la suite des opérations. Affronter tout seul la faune apparemment nombreuse et survitaminée de Durotar ne me tentais pas vraiment. Je n’aime pas me battre de toute façon, c’est trop salissant dans l’ensemble. Aussi je décidai d’attendre simplement que Telynoar revienne d’elle même.
Autant faire une petite pause pêche : je m’assis sur un rocher dans la vallée des esprits et sortit ma canne à pêche flambant neuve du matin. C’est vrai qu’elle dégageait une aura magique, je pouvais ressentir les vibrations dans chaque os de mon corps. Et ça fait beaucoup d’os ! Il paraissait qu’un vieux poisson ou croco-machin-bidule se trouvait dans les eaux de la vallée, narguant impunément les pêcheurs depuis plusieurs années.
On allait voir qui allait l’emporter : la ruse du poisson-salopard, ou l’astuce d’un pêcheur expérimenté et sa canne à pêche magique ?
Une heure plus tard, force m’était de reconnaître que la canne était très efficace : j’avais pêché plus d’une trentaine de batraciens et poissons de seconde zone. Malheureusement, le seul poisson que je voulais était bel et bien un salopard, car je ne l’avais toujours pas aperçu. Existait-il simplement ? Et Telynoar qui ne revenait toujours pas… D’ordinaire, je suis patient, mais aujourd’hui était une exception, et le concours du matin m’avait déjà largement rassasié niveau pêche. L’ennui me guettais… L’envie de faire exploser chaque poisson pêché me gagnait petit à petit. Je commençais donc à râler intérieurement, chassant ces pensées, quand une voix familière m’appela depuis les rives du bassin.
– Maître Luther ! Comment vas-tu ? me cria un tauren aussi amical que poilu.
Je me retournais, pour voir Amildur, ainsi que Myrdinn, respectivement officier-druide et mage-en-chef de la guilde Bloodlust, dont, rappelons le, je fais techniquement partie. Tous deux me regardaient depuis l’autre bout du bassin.
– Ca va maître Ami, mais ne crie pas comme ça, s’il te plaît ! Ca fait peur au poisson. Répondis-je désagréablement.
Amildur allait pour s’excuser poliment quand Myrdinn pris la parole, vraisemblablement encore moins patient que moi à cet instant.
– On s’en fiche des poissons, ça sert à rien pour l’instant. me lança abruptement Myrdinn, choquant mon petit cœur moisi au passage. La guilde monte une expédition sur les ruines d’Anh’Qiraj ! Ce coup ci, tu n’y couperas pas, TU VIENS !
– Mais, on a pas déjà nettoyé ces ruines le mois dernier ? répliquais-je
– Pas assez bien faut croire, c’est de nouveau infesté de Silithides. répondit le druide avant que le mage n’ai pu ouvrir la bouche. Du coup, ben on y retourne !
Une chose était très claire pour moi : je ne voulais pas remettre les pieds là bas. Trop de sable, trop d’insectes géant, trop de mucus acide, bref trop de trucs pénibles et dangereux même pour un mort-vivant. En plus pour quel gain ? Tout ce qu’on pourrait récupérer comme équipement allait être joué aux dés, et à part faire rire la guilde avec mes scores minables, je repartirai sans doute les mains vides. Myrdinn avait l’air décidé à m’emmener, il me fallait donc une échappatoire.
– Euh… je… peux pas. Je me suis cassé les deux jambes hier. Triple fracture ouverte. Je rampe actuellement, ça me ralentit beaucoup.
– Pas grave, on mettra un bandage et ça tiendra le coup, Luminelle fait ça chaque semaine répondit Myrdinn, cassant comme du verre.
– Euh… ouais, mais à côté, de ça je dois voir Syanna pour lui donner ses cours de lecture. C’est important ça, la lecture, non ?
– Très important ! Mais ça tombe bien : tu pourras le faire sur place, vu qu’elle vient avec nous ! continua-t-il en souriant
Myrdinn était coriace, et sûr de réussir à me faire venir. C’était le chef, je ne pouvais pas lui dire non sans en subir les conséquences : ça serait vu comme une désertion. Aussi, même si je répugnais à cela, il ne me restait que le plan C.
– Je… je viens de me souvenir que ce soit j’ai piscine ! tentais-je
Le mage se figea. Le druide blêmit et s’écarta de lui.
– Tu as… piscine ?… demanda Myrdinn en me fixant avec ses orbites vides.
– Ehh… oui, je sais, ça tombe plutôt mal. Sinon, tu penses bien que si j’avais su avant qu’il y avait raid, je serai venu avec joie… ajoutais-je avec toute ma mauvaise foi la plus crasse
Oui, décréter qu’on avait piscine était mal vu, mais ça faisait partie des rares excuses contre lesquelles on ne pouvait rien, même si on était chef de guilde. La piscine était un rituel purificateur très important chez toutes les races, et vital chez les morts-vivants en particulier : c’était le seul moyen de débarrasser le corps de la myriade d’insectes bouffeurs de chair morte qui s’y était installé. Sans ça, on pouvait tomber en morceau à tout instant, et en plein milieu d’un raid ça aurait fait désordre. Malheureusement… disons que l’hygiène n’était pas vraiment le point fort des races de la Horde, aussi il n’y avait qu’une seule piscine dans tout Orgrimmar, et les réservations se faisaient plusieurs semaines à l’avance.
– Tu as piscine. Répéta-t-il lentement. Très bien. Eh bien, bonne « piscine » alors marmonna-t-il furieux. Si jamais tu changes d’avis, tu sais où nous trouver…
– Encore désolé chef ajoutais-je aussi docilement que je pus.
Le mage s’éloigna en maugréant. Avant de le suivre, Amildur me lança amicalement, sans que Myrdinn ne puisse l’entendre :
– J’espère que, d’une façon ou d’une autre, t’as vraiment piscine… sinon… ben prends quelques vacances à mon avis.
Amildur était anormalement tendu, mais le conseil était bon. Il allait falloir que je quitte la ville pendant quelques temps… finalement, partir à la recherche de Telynoar dans Durotar serait moins risqué que de me faire griller par Myrdinn. Au sens propre.
Restait quand même le problème principal : Durotar était immense. Comment retrouver Tely ?… Après tout, c’est pas comme si je disposais d’un appareil, ou d’une carte magique, qui m’indiquait sa position dans le monde en temps réel ! (Note pour plus tard : ça pourrait être un bon axe de recherche)
En revanche… Une idée me traversa l’esprit : si je ne disposais pas d’un moyen directe de retrouver Tely, j’avais néanmoins une méthode pour fouiller la zone assez rapidement.
Scrutant le ciel des yeux, j’espérais y voir une ou plusieurs créatures volantes. Aigle, harpie, vautour, serpent ailé, peu m’importait tant qu’elle pouvait voler haut. Au bout de quelques minutes, je trouvai mon bonheur avec un rapace. Je ne savais pas quelle espèce c’était et je m’en fichais. Fermant les yeux, je transférais une partie de mon esprit au volatile afin de pouvoir voir à travers lui. Durotar et ses canyons étaient impressionnants à cette altitude… des canyons découpés, une faune anormalement grouillante pour la saison, quelques palmiers à droite à gauche, et au cœur de la région se trouvait Orgrimmar. Bien que le pays soit aride et inhospitalier, il fallait reconnaître qu’ainsi nichée dans les montagnes naturelles, la capitale de la Horde était une place forte très difficile à prendre d’assaut.
Une fumée aperçue du coin de l’œil me tira hors de mes réflexions stratégiques. Elle ne ressemblait pas à un feu de camp ou un quelconque bûcher. Ce n’était pas non plus un simple nuage de poussière naturelle vu sa forme.
Ca pouvait être une explosion. Ca valait le coup de tenter… Je mis fin à mon sort, et me dirigeai à cheval vers la zone que j’avais repéré.
Mon cheval… mort-vivant lui aussi. C’était un destrier de guerre à ce qu’on m’avait dit. Je ne parvenais pas à le voir comme autre chose qu’une victime de la peste morte-vivante, tout comme moi. J’avais besoin d’une monture, et ce cheval mort-vivant m’avait accepté sans discuter là où les loups, raptor et kodos et autres bestioles me rejetaient systématiquement. Je n’étais pas doué pour la monte de base, et encore moins pour la monte de vivants. Malgré tout, j’avais fait une promesse à ma monture : lui offrir le repos éternel dès lors que je trouverai une alternative à ses services. Que ce soit par sa nature de mort-vivant ou parce qu’elle avait compris ma promesse, reste que cette monture avait toujours été d’une fidélité sans faille et m’avait tiré de plusieurs situations périlleuses.
Arrivant finalement sur le lieu de ce que je supposais être une explosion, je fus un peu déçu. S’en était bien une, mais pas provoquée par Telynoar, non. Il s’agissait des centaures qui vivaient au sud de Durotar. C’était eux qui testaient des nouveaux sorts de combats, sans doute dans l’espoir de détruire le village troll qui se trouvait à proximité. C’était une espèce d’obsession chez eux depuis plusieurs années, personne a jamais compris pourquoi. Au final, ils échouent toujours, mais ils continuent d’essayer. Ils sont tenaces, je leur reconnais ça.
Prenant grand soin de ne pas me faire voir, je commençais à faire demi-tour, quand je me rendis compte qu’il était trop tard : j’étais déjà encerclé par une douzaines de centaures.
– Attrapez-le ! Hurla l’un d’entre eux. Il ne doit pas avertir les siens de notre plan !
Je pestais intérieurement contre la situation. Ils avaient des mages de combat, des lances et des filets. Il était trop tard pour la discrétion, si je voulais m’en sortir, il allait falloir y aller à fond. Je fis claquer les rênes de ma monture et parvint à sortir du cercle formé par les centaures. Ces derniers se lancèrent à ma poursuite.
Ma monture était, par nature, infatigable, mais les centaures étaient rapides et connaissaient mieux la région que moi. Ils allaient vite me rattraper… il fallait un plan, un vrai, pour me sortir de ce merdier. Fouillant dans ma besace, je dégoupillais et lâchais quelques bombes « faites-maison » derrière moi. L’un des centaures en pris une de plein fouet et fut stoppé net dans sa course, mais les autres les évitèrent. Au moins, ils gardaient maintenant une distance de sécurité, c’était déjà ça. Réfléchissons. Un poste de la Horde se trouvait à proximité, si je pouvais l’atteindre, je serais sauvé, les centaures n’oseraient pas attaquer comme ça, pas à une dizaine seulement.
Soudain, plusieurs flèches se plantèrent dans le sol à quelques mètres de moi. Ma monture fit une embardée de côté avant de reprendre son chemin tandis que j’essayais de comprendre qui me tirait dessus.
Les centaures me poursuivaient toujours… est-ce qu’il y en avait d’autres cachés derrière des rochers ? La zone était propice à ce genre de chose.
Ou peut-être essayait-on juste de me faire peur et de me détourner du camp de la Horde ?
Un doute survint : étais-je en train de me précipiter dans un piège ou pas ? J’espérais que non… J’étais partagé entre l’envie de continuer et celle de changer de direction, mais pour aller où ? A part le camp de la Horde, rien ne pouvait me sauver…
Je fus tiré de mes inquiétudes par une explosion terrifiante qui se produisit derrière moi. J’eu à peine le temps de tourner le tête pour comprendre que j’étais déjà déstabilisé par le souffle et de tomber de ma monture. Me relevant, paniqué, prêt à combattre, je fus surpris de constater que les centaures étaient en fuite. Je ne comprenais plus rien. Qu’est ce qu’il venait de se passer au juste ?
– Et une fois de plus, c’est moi qui sauve tes os pourris…
Je reconnaîtrais cette voix entre mille. Une voix légèrement rauque, légèrement aigüe, qui ne doutait jamais de rien et surtout pas d’elle-même. Si j’avais pu sourire sans me décrocher la mâchoire, je l’aurais fait.
– Tely !
Le cri était sorti de ma bouche avant que je m’en rende compte. Telynoar, je l’avais enfin trouvée. Le puzzle s’assemblait lentement dans ma tête.
– L’explosion là, c’était toi ?
– Ouaip confirma la voleuse. T’es sur mon terrain d’entraînement là. Enfin, mon « champ de mine » pour être plus précis. T’as failli sauter sur une d’ailleurs.
Je comprenais mieux les flèches maintenant. C’était en fait Tely qui les avait envoyées pour me détourner de ma trajectoire. Si j’avais continué, c’est moi qui aurais explosé.
– Alors, t’en penses quoi ? me demanda-t-elle en souriant de tous ses crocs
Je regardais le cratère. Environ 8 mètres de large, plus les restes de centaure qui traînaient.
– Puissant. « Renversant » même. C’est sur ça que tu travailles en ce moment ?
Mais la voleuse, un peu gênée, fit non de la tête.
– Hem, non. Là, je travaille sur un système de téléporteur à balise mobile. Ca te désintègre à un endroit et te réintègre à un autre endroit proche. Mais en facile à déployer, pour être utilisable en combat. Je me suis inspiré du prototype des gobelins qui se trouve à Long-guet, au Berceau de l’Hiver.
– Ah ? Pourquoi le champ de mine alors ?
– A la base c’est pas vraiment un champ de mine. C’est mes prototypes ratés. Une fois enclenchés ils explosent au moindre choc, et c’est pareil si on essaie de les activer. Je les recycle en mine parce qu’ils sont super bourrins.
Les joies de l’ingénierie gobeline. Quoi que vous essayez de fabriquer, de la fourchette mécanique au zeppelin en passant par les mortiers, si vous êtes un ingénieur gobelin, vous avez une garanti : quand ça explosera, ça explosera fort !
– Du coup, tu veux un coup de main ? demandais-je innocemment
– Mmmm… pourquoi pas. Mais pas ici, il y a trop de centaures.
Nous avons pris le chemin de l’avant poste de la Horde. Une fois à l’auberge, tely m’expliqua plus en détail son idée. Le projet en lui-même était intéressant, et ferait un bon challenge. Sans compter que si on y arrivait, ça pourrait offrir un véritable avantage à la guilde, voire à la Horde même ! Pour une peu, je tenais un vrai ticket de sortie pour éviter d’aller en raid.
Puis elle me montra ses notes techniques. Les schémas de Telynoar étaient dignes d’un gobelin : bordéliques à souhait. Ca tenait plus d’une note d’intention que d’un schéma fonctionnel. Au bout de quelques heures, je l’aidais à corriger les grandes lignes, au moins pour stabiliser l’appareil… Mais le concept de stabilité n’est pas vraiment rentré dans les mœurs des ingénieurs gobelins.
– Stable ? C’est quoi l’intérêt ? J’veux qu’il téléporte moi, pas qu’il soit stable ! On s’en fiche si il penche un peu à droite ou à gauche.
– Nan, par « stable », je veux dire « ça explose plus quand on appuie sur le bouton ». Et si ça explose plus, peut-être que la téléportation fonctionnera un peu mieux, non ? insistais-je.
– Ca… peut avoir une incidence en effet. Répondit-elle, envisageant mon argument. Mais… euh… on ne risque pas de se transformer en poulet ou ce genre de trucs ?
– C’est un risque c’est vrai. Mais il est minime. Et puis ça reste préférable à la désintégration.
Bon, pour être honnête, la stabilité ce n’est pas rentré non plus dans la mentalité des ingénieurs gnomes. Mais on a une vision différente de la chose.
– Je sais pas… la désintégration, ça a quelque chose de beau par sa simplicité… Genre, ta balise de rappel pour Gadgetzan, elle fonctionne comment ?
– Hmmm… Y’a plusieurs composants élémentaires pour les réfractions d’énergie et un alterateur de vrai-argent comme catalyseur de mémoire. Après, ça téléporte le corps partie par partie jusqu’à la balise d’arrivée. Enfin, en principe quoi.
– Voilà. C’est ce que je veux dire. C’est compliqué, ça se fait par morceaux : nous, c’est plus sobre, plus efficace. La balise de rappel déchire l’espace au moins d’un gros explosif, on est aspiré, et on arrive à la balise d’arrivée d’un seul coup.
– Oui, mais souvent, c’est un tas de cendre qu’il y a à l’arrivée…
– C’est vrai. Mais ça reste simple !
La discussion était bloquée par nos « religions » d’ingénierie respectives… Nous avons donc repris depuis le début.
– Bon, le vrai soucis, c’est la balise d’arrivée : elle explose dès qu’elle reçoit l’info de la balise de rappel. Résumais-je.
– Je sais, m’a répondu Tely. Dès que la déchirure dimensionnelle commence, la balise d’arrivée surcharge, et boum !
– Du coup, on a deux options : ou bien on trouve un matériau qui arrive à supporter la déchirure… Ou bien…
– Ou bien ? C’est quoi l’autre option ?
– On se lance dans le commerce des mines anti-personnelles à forte déflagration télécommandées.
C’était un marché juteux. On s’exposait à la concurrence des cartels gobelins, mais vu la puissance de notre modèle, il y avait moins qu’on se fasse une bonne clientèle… Cela valait le coup qu’on le considère.
– A garder en plan B. Sinon, j’ai peut-être une idée : l’obsidienne d’Ahn Qiraj !
– De… quoi ? demandais-je subitement inquiet en entendant la mention « Ahn Qiraj » faire surface
– L’obsidienne d’Ahn Qiraj, insista Tely. On sait pas encore pourquoi, mais elle est exceptionnellement résistante à la magie et aux décharges élémentaires. Si on fabriquait un cœur d’obsidienne pour la balise d’arrivée, au lieu du cœur de vrai-argent actuel, elle devrait tenir le coup et ne pas exploser…
Ca pouvait marcher en effet. Mais considérant qu’il s’agit d’ingénierie gobeline, je me sentis obligé d’ajouter :
– … Ou alors en explosant elle rayera la moitié de la région.
Tely considéra la chose.
– Du coup, si ça marche pas, à défaut d’avoir un téléporteur, on devrait réussir à créer un nouvel explosif qui nous fera entrer dans l’histoire. Ca me paraît un bon plan.
Les yeux de la voleuse étaient remplis d’étoiles, au point que j’en vins à me demander si ça n’était pas son véritable objectif inconscient… après tout, elle avait toujours aimé les explosifs.
– Bon, ben du coup je vais aller voir à l’hôtel des ventes si je peux trouver de l’obsidienne… déclarais-je
– Attend, m’arrêta Tely, y’a plus simple. La guilde fait un raid ce soir aux ruines, sur demande express des shamans, on fera d’une pierre deux coups !
Mauvaise idée.
– C’est-à-dire que je suis censé avoir piscine ce soir… Myrdinn et Amildur m’en ont déjà parlé.
Tely parût intriguée.
– Comment t’as réussi ça ? Je croyais Myrdinn avait tout réservé depuis deux jours ?
Si j’avais pu blêmir, cette révélation m’aurait rendu blanc comme un linge. Pas de bol, étant mort, je restais gris… Je sentais venir les emmerdes.
– De… quoi ?… demandais-je inquiet
– Bah quand Okary a dit qu’il fallait absolument faire un raid aux Ruines, rapport à la désinfestation qui avait foiré, Myrdinn lui a dit qu’on ferait ça dans une semaine parce qu’il avait choisi pour une fois de se faire un weekend détente. Le ton est monté, et finalement Okary a eu gain de cause. Myrdinn était pas content.
– Euh… tu sais s’il a annulé sa réservation ?… demandais-je faiblement
– Ah, il a clairement dit hier qu’il la gardait au cas où le raid parte pas. Du coup, à mon avis, la piscine va être vide ce soir. Enfin, sauf avec toi du coup. Termina la voleuse, un brin suspicieuse.
Ok. Donc non seulement j’avais utilisé une excuse pour ne pas aller en raid, mais en plus elle avait été éventé dès la première seconde. Je comprend mieux pourquoi Amidur avait frémi… Que faire ?… Ne pas aller en raid et le payer plus tard, ou aller en raid et passer un très mauvais moment ?… S’il y a bien une chose que j’ai appris dans ma non-vie, c’est que la vengeance est un plat qui se mange froid, et que les morts-vivants affectionnent même glacés.
Donc si je veux avoir une chance de m’en tirer, il ne faut même pas que je laisse le plat tiédir. Traduction : en avant Ahn’Qiraj…
Tely et moi rejoignirent donc le raid à la dernière minute…
– Salut les gars ! hurla Tely au groupe quand nous arrivâmes
– Salut Tely, lui répondit Myrdinn. On ne t’attendait plus vraiment… Luther non plus d’ailleurs, continua-t-il en me fusillant du regard.
– Euh… je… il se trouve que… la piscine… finalement… les insectes… esprit de guilde… entraide… tout çaaaa… baragouinais-je
– Mouais. Tu tombes bien cela dit, on manque de soigneurs ! déclara-t-il avec un grand sourire carnassier
– Mais je suis un prêtre ombre chef ! répondis-je paniqué. Les gens sont malades quand je les soigne !
Je cherchais du regard de l’aide auprès du reste du raid… Amildur avait remarqué à l’instant même qu’une touffe d’herbe méritait son intérêt. Okary expliquait aux autres shamans les vertus des totems anti-poison. Telynoar fouillait dans son sac à la recherche d’un bidule dont elle avait besoin là tout de suite maintenant, Syanna s’entraînait à son grognement d’ours afin de ne surtout pas entendre ma voix. Et Luminelle méditait paisiblement…
Il fallait me rendre à l’évidence. J’étais seul. Face au mage le plus impitoyable de la guilde. Et il m’en voulait.
– Je…
– Tu vas faire de ton mieux, t’en fais pas. Oh, au fait, je sais que c’était du pipeau ton excuse, mais t’en fais pas, je suis pas rancunier.
– Non ?
– Non. C’est Céline qui dirige les soigneurs ce soir.
Je compris que tel était mon châtiment. Subir Céline une soirée. J’en vins à me demander s’il n’était pas préférable d’utiliser la technique de Drio : foncer sur les Silithides en implorant leur pitié. Rassemblant le peu de courage qu’il me restait, je parvins néanmoins à répondre au chef :
– Oui chef…
… bon, d’accord, c’était nul comme réponse, mais j’étais à court de courage à ce moment là de toute façon.
Nous partîmes donc dans les ruines d’Ahn Qiraj, et je savais que Céline me hurlerait dessus à chaque seconde pour les nombreuses erreurs liées à mon inexpérience et incompétence en tant que soigneur… Ca allait être pénible…
Peut-être j’aurais mieux fait de m’ennuyer, quitte à trucider des civils et finir avec un avis de recherche, au lieu de vouloir à tout prix m’occuper l’esprit en fait… Parfois, le jeu n’en vaut pas la chandelle.
– Extraits du Journal de Luther, prêtre des ombres, au service de la Dame Noire.