84ème jour – 1ere Partie
Mon quotidien est rempli de combats aussi absurdes inutiles. Myrdinn, notre nouveau chef de guilde, m’avait envoyé en Azshara pour y pêcher des anguilles pierre-écailles. Nous avons grand besoin de ces poissons pour nos potions, et comme je suis l’un des meilleurs pêcheurs de la guilde, la mission me revenait donc. L’idéal pour avoir une journée de repos, loin des champs de bataille…
Azshara était une région pleine d’histoire. C’était l’ancienne capitale des elfes je crois. Mais tout ce qu’il en restait aujourd’hui, c’était des ruines. La pluparts étaient sur la plage, mais il y en avait aussi beaucoup au fond de l’eau… ça en faisait un bon coin pour la chasse aux trésors, mais la région était infestée de nagas, satyres, géants et autres créatures peu fréquentables.
Bref.
Je pêchais tranquillement, les pieds nus, décharnés en fait, au bord de l’eau.
C’est idiot, mais j’aime bien le contact de l’eau et du sable sur mes os glacés.
Tout était paisible à cet instant, et j’avais déjà une cinquantaine d’anguilles. Mais cela ne dura pas. J’aurais du savoir que ça allait déconner quand j’ai pêché un calmar hivernal, alors que nous sommes en plein été. Le mollusque était aussi chétif et malade qu’inapproprié en cette saison. Parlez de mauvais présage ? Avec le recul on pourrait…
Alors que j’observais avec méfiance le calamar, un projectile d’ombre magique me frappa dans le dos. La surprise me fit lâcher le calamar qui retomba dans l’eau, et en profita pour s’enfuir.
Heureusement, les années m’ont rendu prudent, et dans un endroit tel qu’Azshara, mieux vaut être préparé à combattre à tout instant. J’étais protégé par de nombreux sortilèges qui réduirent l’impact du projectile d’ombre. Je n’eu qu’une légère brûlure l’épaule. Cela dit, même sans protection, il me semblait alors que l’attaque n’était pas très puissante. Mais mieux valait rester en alerte. Je me suis relevé, et fit quelque pas sur la berge, cherchant du regard mon assaillant.
Ou mes assaillants devrais-je dire… Ils étaient trois. Un humain, et deux nains. Enfin, un nain et une naine pour être vraiment précis. C’est l’humain qui m’avait envoyé le projectile d’ombre. Un démoniste. Aucun doute possible vu sa tenue : une robe pourpre, et surtout un baton orné de crânes et de pierres précieuses. Un familier démon était juste devant lui. Je reconnus un « chasseur corrompu ». Ces monstres sont très dangereux pour les jeteurs de sorts, et se nourrissent d’énergie magique. Je continuais le tour d’horizon de mes agresseurs.
L’un des nains était vêtu de cuir, et pointait un fusil dans ma direction. Si on prenait en compte l’ours qui se trouvait juste à côté de lui, et qui grognait en ma direction, il était facile de deviner que j’avais en face de moi un chasseur, dans la plus pure tradition des nains d’Ironforge.
Et la dernière… la naine était vêtue d’une armure de plaque, et brandissait une masse ornée de runes de lumières. Une paladine, aucun doute. Ils étaient cinq. Contre un. Ca s’annonçait plutôt mal. Très mal même. Mathématiquement, il m’était impossible de gagner. Je choisis de sonder l’esprit du chasseur, probablement le moins capable des trois de repérer mon intrusion. Ce que j’y vis me fit comprendre que des trois, la plus puissante était la paladine. Difficile d’évaluer sa puissance, mais elle n’était pas à prendre à la légère. Les deux autres, j’aurais probablement pu m’en débarrasser s’ils avaient été seuls : ils respiraient l’inexpérience. Mais unis, c’était très différent.
Ils me regardaient tous, pour voir ce que j’allais faire. Un choix délicat. Qui attaquer en premier ? Je fis un pas en arrière. Eux, deux pas en avant. Ils se rapprochaient de moi.
La paladine leva son arme, une masse de guerre qui faisait pratiquement sa taille, et lança une bénédiction sur ses alliés. De quelle bénédiction il s’agissait, je ne saurai le dire… il n’y a pas de paladin au sein de la horde, et je n’ai pas souvenir d’en avoir vraiment côtoyé de mon vivant. En tout cas, pas assez pour pouvoir reconnaître leurs pouvoirs du premier coup d’œil.
Subitement, la paladine chargea, suivie du chasseur corrompu et de l’ours. J’aperçu au fond le chasseur nain qui chargeait son fusil, et le démoniste qui était en train d’incanter…
Inspirant autant d’air que possible, j’ai alors poussé un hurlement dont nous seuls, prêtres de l’ombre, avons le secret. Sous l’effet de ce cri, mes assaillants les plus proches s’arrêtèrent dans leur marche puis reculèrent, réellement terrifiés. Mais cela ne durerai pas, et ni le démoniste ni le chasseur n’avaient été atteint par mon sort : ils étaient trop loin. Au mieux, ils s’étaient interrompus pendant une seconde à cause de la surprise. Le chasseur tira. La balle de son fusil m’atteignit en pleine tête. Le bougre savait viser, et semblait entraîné. Malgré tout, lorsque je recrachais la balle, j’ai été ravi de voir son visage étonné. Eh oui, andouille d’ornement de jardin ! pensai-je. Il en faut plus pour tuer ce qui est déjà mort une fois ! La douleur était certes vive, mais largement supportable.
Malheureusement, mon amusement fut de courte durée. Juste après, je pris feu. Combustion spontanée ? D’une certaine façon oui, même si pas si spontanée que ça. Je reconnus l’un des sortilèges préférés des démonistes. En une seconde de concentration, je fis disparaître les flammes magiques avant qu’elles ne me dévorent. Le démoniste était en train d’incanter un nouveau projectile d’ombre, pendant que le chasseur rechargeait son fusil. Du coin de l’œil, je vis aussi que les trois que j’avais effrayés, commençaient à se remettre de leurs émotions. La paladine me fixait d’un regard noir.
Fixant le démoniste, je portais la main à la ceinture… et attendit. Mon concentrant sur son esprit, je fis en sorte de le ronger à distance. Le choc le toucha de plein fouet, et il se prit la tête dans les mains, soudain sujet à une migraine aussi subite qu’insupportable. Profitant de ce moment d’inattention, je fis en sorte de l’infecter avec une maladie : la peste dévorante. Une maladie que les réprouvés ont créé, cultivé, et que les prêtres de la Dame Noire sont capable de diriger sur leurs ennemis par la pensée. Cette capacité était éprouvante à utiliser, et ne pouvait s’effectuer que sur une personne à la fois, mais elle était puissante ! De la sueur commençait à perler sur son visage, et tandis que ma maladie le rongeait, elle me renforçait. Car telle était la force de cette maladie : tuer l’hôte du virus, et transmettre au prêtre qui l’avait infecté sa force vitale. Maintenant, le démoniste commençait à trembler, et sa respiration était devenue un peu plus haletante. Alors que de mon côté je me sentais subitement mieux, plus fort, plus puissant. Visiblement, mes attaques l’avaient un peu affaiblit… Mais il termina son incantation malgré tout. Le projectile d’ombre me fonça dessus…
CLIC.
… et retourna à l’envoyeur, qui, apparemment, n’avais pas prévu ce dénouement. Quand son propre sortilège le toucha, il fut projeté à terre. Vu ce qu’il avait déjà subit, ce coup l’acheva, et il s’évanoui. Son chasseur corrompu commença à se disloquer à se décomposer petit à petit. Sans la puissance, et la concentration de son maître pour le maintenir dans ce plan, il retournerait bien vite dans le néant distordu. Mon réflectombre cessa de fonctionner juste après.
Dommage qu’ils ne fonctionnent que si peu de temps. Le protection est efficace, mais la batterie de l’appareil est vide en l’espace d’à peine quelques secondes… enfin, avec un bon sens du timing, cela peu suffire. Le temps que j’avais perdu contre le démoniste avait permis à la paladine de se rapprocher, et elle était à présent juste derrière moi. Elle leva les bras et précipita sa masse gigantesque en direction de mon crâne…
– SCHBLONK –
… masse qui s’écrasa contre mon bouclier, mis en place à la dernière seconde. Sans ça, j’étais fini. Elle recula d’un pas, visiblement furieuse.
Schling !
Ah, ça c’était un autre tir du chasseur, qui était passé à un type de munition plus lourd apparemment.
– SCHKLONK – SCRATCH !
Re-Coup de masse. Ah, et coup de griffe de l’ours qui était derrière moi. Mon bouclier ne tiendra plus longtemps… et moi non plus d’ailleurs. Je ne pourrai pas tous les affronter à la fois. Si je voulais pouvoir me concentrer dans mon combat face à la paladine, il me fallait neutraliser les interférences extérieures. J’ai alors saisi un objet lourd dans mon sac, et je l’ai alors jeté de toutes mes forces au loin. La sphère de métal endormie atterrit près du chasseur nain. Je l’ai vu l’éviter, et se moquer de moi. Je suppose qu’il pensait que je visais mal.
Il se trompait lourdement. Pendant que je faisais de mon mieux pour maintenir mon bouclier en place, j’appuyais sur quelques touches d’une télécommande rudimentaire. Des bips se firent entendre près du chasseur. Mais il était trop concentré sur moi, et il n’a pas vu la sphère se déplier et prendre vie. Des pattes lui poussèrent, puis des ailes, pour enfin prendre la forme d’un petit dragon. C’était l’invention qui m’avait demandé tant de mal à réaliser : le dragon mécanique en arcanite. Il se mit à voler juste à côté du chasseur, et poussa un léger hurlement ! Cela suffit à le faire sursauter.
Mais c’était trop tard. Le dragon de métal lui avait déjà craché une boule de feu dans la tête, presque à bout portant. Sa barbe brula prit feu, et il se mit à courir. Le dragon ne le lâchait pas, et l’attaquait maintenant au corps à corps : il volait autour de lui à une vitesse impressionnante lui lacérant les bras, et mordant les jambes. Le chasseur s’écroula quelques mètres plus loin. Son ours, sentant son maître en danger me laissa, attaqua mon dragon. Machine contre bête. L’ours gagnerait probablement : comme pour toutes les inventions, ce n’est pas par son autonomie que le dragon mécanique brillait. Mais ce qui comptait, c’était qu’avec tout ça, le chasseur était hors course. Même s’ils n’étaient pas morts, ni lui, ni le démoniste, au moins, ils ne pouvaient plus me mettre en danger.
Juste après, mon bouclier explosa juste après, et je fus repoussé au sol. La paladine avait finalement réussi à briser ma barrière, et elle me regardait d’un air mauvais. Je sus à cet instant que quoi qu’il allait arriver après, l’un de nous deux allait y laisser sa vie.